QUÉBEC, 11 juin 2019 – Une étude récente met en lumière les vulnérabilités particulières auxquelles sont exposés les pères appartenant à la communauté anglophone et ce, malgré une culture qui semble valoriser davantage l’implication des pères auprès des enfants. L’étude fait également ressortir un portrait beaucoup plus nuancé des réalités de la communauté anglophone.
Ces constats sont ceux que tirent le Community Health And Social Services Network (CHSSN) qui, en collaboration avec le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (RVP), a analysé les résultats des 400 répondants issus de la communauté anglophone ayant participé à l’étude La paternité au Québec : un état des lieux. L’étude, réalisée à la demande du RVP par Substance Stratégie auprès de 2 000 pères québécois en décembre dernier, aborde en profondeur une grande variété d’aspects liés à l’expérience de la paternité. C’est le professeur Carl Lacharité de l’UQTR qui a assuré la supervision scientifique de l’étude, en collaboration avec la professeure Diane Dubeau de l’UQO.
Des vulnérabilités particulières
D’entrée de jeu, le résultat le plus frappant qui ressort de cette analyse est que trois pères anglophones sur quatre (74 %) estiment que les services publics offerts aux enfants et aux parents (par exemple, CLSC, hôpital, clinique de médecin, école, service de garde, etc.) ne tiennent pas suffisamment compte des réalités propres aux pères anglophones. Bien qu’il soit impossible d’établir un lien de cause à effet, la question de l’adaptation des services aux réalités de la communauté anglophone parait d’autant plus préoccupante que le sondage montre que les pères anglophones, comparativement à leurs pairs francophones, connaissent des vulnérabilités particulières à différents égards.
Ainsi, les résultats indiquent que les pères anglophones vivent davantage de stress, ont plus de difficulté à s’adapter à leur rôle de père, doutent plus fortement de leurs habiletés parentales et se sentent moins à l’aise dans leur rôle de père. Ils ont davantage recours aux services des organismes communautaires et affichent un intérêt plus marqué pour de l’information et des services en lien avec leurs responsabilités parentales.
« Cette étude est très importante pour nous car elle permet de mieux circonscrire des phénomènes que nous observons mais sur lesquels nous disposions jusqu’ici de très peu de données », commente Jennifer Johnson, directrice exécutive du CHSSN, un organisme basé à Québec ayant comme mission de soutenir les efforts des communautés d’expression anglaise du Québec pour corriger les inégalités en matière de santé et promouvoir la vitalité des communautés. L’organisme bénéficie d’un financement de Patrimoine Canada dans le cadre d’un programme destiné à soutenir les minorités linguistiques.
Une culture qui valorise l’implication paternelle
Parmi les éléments plus positifs, l’étude révèle que la culture des communautés anglophones semble valoriser plus naturellement l’engagement et la participation des pères. Comparativement à leurs homologues francophones, les pères anglophones ont le sentiment que la paternité est davantage valorisée dans la société, retirent plus de satisfaction à faire des activités avec leurs enfants, avec ou sans la mère, sont plus fréquemment en contact avec d’autres pères et ont souvent eux-mêmes entretenu une meilleure relation avec leur propre père à l’enfance et à l’adolescence.
Des rôles plus traditionnels
Cette culture qui valorise l’implication des pères s’explique peut-être en partie par une vision plus traditionnelle des rôles parentaux. Aussi, une proportion plus importante des pères anglophones vivent dans une famille dite « intacte » (la mère, le père et les enfants vivent ensemble). Les pères anglophones accordent une moins grande importance à faire équipe avec la mère et s’occuper ensemble des tâches liées aux enfants, ont des désaccords plus fréquents au sein du couple et, toute proportion gardée, indiquent recevoir plus souvent des critiques de la part de la mère. Malgré cela, ils se disent davantage satisfaits de la qualité de la collaboration avec l’autre parent.
Un portrait plus nuancé des réalités de la communauté anglophone
Parmi les autres résultats valant la peine d’être soulignés, l’étude fait ressortir un portrait de la communauté anglophone qui démonte les stéréotypes usuels. Les francophones se font souvent une image de la communauté anglophone comme un bloc monolithique, concentré dans l’ouest de l’île de Montréal. Or, près de la moitié des pères anglophones interrogés (46 %) résident à l’extérieur de l’île le quart (25 %) sont hors du grand Montréal. Il convient de rappeler qu’il s’agit de pères qui ont l’anglais comme langue d’usage, et non comme langue maternelle ; moins de la moitié ont en fait l’anglais comme langue maternelle (47 %), alors que près d’un sur trois (30 %) a le français comme langue maternelle et près d’un sur quatre (23 %), une autre langue.
« Ce portrait renforce l’importance de mieux comprendre les réalités anglophones non seulement à Montréal, là où il y a de plus fortes concentrations, mais dans toutes les régions du Québec, afin de réduire le plus possible les inégalités en matière d’accès aux services », plaide Jennifer Johnson.
Raymond Villeneuve, directeur du RVP, croit pour sa part que ce partenariat avec le CHSSN aura des retombées bénéfiques à la fois sur les pères de la communauté francophone et de la communauté anglophone. « L’expertise du RVP dans l’adaptation des services aux réalités paternelles est un atout pour outiller le CHSSN dans ses démarches d’accompagnement des communautés anglophones. En contrepartie, la culture d’implication paternelle que l’on note chez les pères anglophones constitue un modèle très positif pour encourager les pères francophones à afficher davantage leur fierté d’être père et à vivre pleinement leur expérience parentale », explique-t-il.
Quelques données-clés du sondage
| Pères anglophones (n=400) | Pères francophones (n=1 600) |
Exposés à des vulnérabilités particulières |
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La paternité est une source de stress | 3,2 sur 5 | 3,0 sur 5 |
Bien éduquer, enseigner les bonnes choses aux enfants est un défi | 25 % | 18 % |
Adaptation à la paternité plutôt ou très difficile | 34 % | 22 % |
Temps d’adaptation à la paternité : quelques mois ou plus | 30 % | 18 % |
Apprentissage du rôle de père plutôt ou très difficile | 25 % | 18 % |
Ne croit pas avoir toutes les habiletés pour être un bon père | 13 % | 9 % |
Difficile de savoir s’il agit correctement avec les enfants | 52 % | 42 % |
Éducation qu’il donne à ses enfants n’est pas à la hauteur de ses exigences personnelles | 14 % | 10 % |
Ne se sent pas tout à fait à l’aise dans son rôle de père | 16 % | 8 % |
Période de la petite enfance difficile (0-3 mois, 3 mois-1 an, 1-2 ans) | 23 % à 38 % (selon la période) | 17 % à 34 % (selon la période) |
Bénéficie toujours ou parfois de l’aide d’autres membres de la famille | 58 % | 22 % |
Utilise les services des organismes communautaires | 30 % | 20 % |
Intérêt pour de l’information ou des services (12 items) | 2,9 à 3,5 sur 5 | 2,7 à 3,2 sur 5 |
Intéressé à lire davantage sur la parentalité si c’était fait pour les pères | 66 % | 57 % |
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Culture qui valorise l’implication paternelle |
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Joue, faire des activités en famille est une source de satisfaction importante | 34 % | 27 % |
Joue, fait des activités avec les enfants sans la mère est une source de satisfaction importante | 21 % | 14 % |
Modèle parental : leur père | 58 % | 51 % |
Modèle parental : leur mère | 45 % | 38 % |
Modèle parental : des enseignants | 10 % | 4 % |
Relation avec le père très bonne ou plutôt bonne à l’enfance | 38 % | 31 % |
Relation avec le père très bonne ou plutôt bonne à l’adolescence | 26 % | 21 % |
Implication du père valorisée dans la société au même titre que celle de la mère | 60 % | 36 % |
Souhaiterait discuter plus souvent avec d’autres pères | 54 % | 46 % |
Font souvent/parfois des activités père-enfant avec d’autres pères | 59 % | 44 % |
Souhaiterait faire plus souvent des activités père-enfant avec d’autres pères | 71 % | 58 % |
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Des rôles plus traditionnels |
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Famille intacte (ou nucléaire) | 76 % | 71 % |
Faire équipe avec l’autre parent peu ou pas du tout important | 12 % | 5 % |
S’entend parfois/rarement avec l’autre parent | 27 % | 23 % |
L’autre parent le critique souvent/parfois | 32 % | 24 % |
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Des réalités plus nuancées |
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Langue maternelle : anglais | 47 % |
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Langue maternelle : français | 30 % |
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Langue maternelle : autre | 23 % |
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Extérieur de l’île de Montréal | 46 % |
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Extérieur de la région de Montréal | 25 % |
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Pour consulter le rapport complet du sondage (2 000 pères – en français) cliquez ici.
À propos du Community Health And Social Services Network (CHSSN)
Le Community Health And Social Services Network (CHSSN) a été créé pour soutenir les efforts des communautés d’expression anglaise du Québec visant à corriger les inégalités en matière de santé et à promouvoir la vitalité des communautés. Lancé grâce aux efforts de quatre organisations fondatrices, le CHSSN compte maintenant plus de 40 projets et partenariats dans les domaines des soins de santé primaires, du développement communautaire et de la santé de la population. L’objectif du CHSSN est de contribuer au dynamisme des communautés anglophones du Québec en établissant des relations et des partenariats stratégiques au sein du système de services de santé et de services sociaux afin d’améliorer l’accès aux services.
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